Comment obtenir la garde exclusive de son enfant ? Voici des questions, étapes et conseils du cabinet Chreifa BADJI OUALI
La séparation est souvent un moment difficile, surtout lorsqu’elle implique des enfants. Pour un parent souhaitant obtenir la garde exclusive de son enfant, le processus peut être émotionnellement éprouvant et juridiquement complexe. Cet article répond aux questions les plus profondes et spécifiques que vous pourriez vous poser, tout en intégrant les dernières évolutions légales.
I. Qu’est-ce que la garde exclusive et comment diffère-t-elle des autres types de garde ?
La garde exclusive signifie qu’un seul parent a la responsabilité principale de l’enfant, tant sur le plan juridique que pratique. Cela va inclure :
- La garde physique : l’enfant réside principalement chez le parent titulaire de la garde exclusive.
- La garde légale : ce parent prend les décisions importantes concernant l’éducation, la santé, et les activités de l’enfant (établissement scolaire, choix du médecin traitant, encadrement sportif/ artistique etc).
Contrairement à la garde alternée, où l’enfant partage son temps entre les deux parents, la garde exclusive est généralement accordée lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant justifie que la résidence principale soit fixée chez un seul parent.
II. Les grandes questions que vous vous posez avant de demander la garde exclusive
1. Ai-je de bonnes raisons de demander la garde exclusive ?
Avant de vous engager dans une procédure, il est crucial de vous interroger sur vos motivations. Les juges privilégient l’intérêt de l’enfant avant tout. Voici quelques raisons légitimes :
- L’autre parent n’est pas en mesure d’assurer un environnement stable (violence, addiction, absence prolongée).
- L’enfant exprime une préférence pour vivre chez vous, en raison d’une meilleure stabilité ou proximité avec ses besoins (école, cercle social etc).
- Les conditions de garde alternée nuisent à son bien-être (stress, fatigue excessive, conflits).
⚖️ —> Bon à savoir : en 2025, les juges aux affaires familiales (JAF) continuent d’appliquer les principes issus de l’article 373-2-6 du Code civil, qui privilégie l’accord entre les parents, sauf circonstances contraires. Les juges préfèrent toujours que les parents s’entendent pour éviter un conflit prolongé.
2. Comment prouver que la garde exclusive est dans l’intérêt de mon enfant ?
Les preuves sont essentielles pour appuyer votre demande. Vous pourriez vous demander :
- Quels documents présenter ? : bulletins scolaires montrant des perturbations, certificats médicaux ou psychologiques attestant de l’état de l’enfant.
- Comment démontrer ma stabilité ? : preuves de logement adapté, emploi stable, disponibilité pour l’enfant.
- Dois-je évoquer les manquements de l’autre parent ? : oui, mais en restant factuel (ex preuves de non-présentation de l’enfant, violences signalées etc).
—>👩⚖️ Actualité de 2024 :
Depuis une jurisprudence récente de la Cour de cassation, les juges accordent plus de poids aux témoignages extérieurs (enseignants, médecins, proches) confirmant la situation de l’enfant dans leur décision.
Rendue en septembre 2024, elle a marqué un tournant dans l’appréciation des éléments probants par les juges aux affaires familiales. Les juges valorisent les témoignages de personnes neutres et qualifiées (enseignants, psychologues, médecins), qui apportent une perspective non biaisée sur le bien-être de l’enfant.
Des expertises médico-psychologiques peuvent être demandées pour corroborer les dires des témoins ou analyser les besoins spécifiques de l’enfant.
—> Bon à savoir : l’article 373-2-6 du Code civil : stipule que les juges doivent prioritairement évaluer l’intérêt de l’enfant en tenant compte des éléments apportés par les deux parents. L’article 202 du Code de procédure civile : précise que les témoignages écrits ou oraux peuvent être produits dans toute affaire civile pour corroborer des faits essentiels.
Dans l’affaire C.A. c. B.F., jugée le 12 septembre 2024, un père réclamait la garde exclusive de son enfant en affirmant que la garde alternée en place perturbait gravement sa scolarité.
Les éléments clés de l’affaire :
- Le père a présenté des témoignages écrits de l’enseignant principal, d’un psychologue scolaire, et d’un proche voisin.
- Ces témoignages confirmaient que l’enfant montrait des signes de stress, de fatigue, et de baisse de concentration chaque semaine de retour chez la mère.
Décision de la Cour de cassation :
La Cour a jugé que ces témoignages constituaient une preuve directe et pertinente de l’impact de la situation sur l’enfant. Elle a ainsi confirmé l’ordonnance du JAF accordant la garde exclusive au père, considérant que ces tiers neutres avaient apporté un éclairage précieux sur le quotidien de l’enfant.
3. Que se passe-t-il si l’autre parent conteste ma demande ?
Dans ce cas là il faudra vous demander :
- Quels sont ses arguments potentiels ? : il ou elle pourrait prétendre que la garde exclusive n’est pas justifiée ou que vous cherchez à l’éloigner de l’enfant.
- Comment répondre efficacement ? : restez concentré sur l’intérêt de l’enfant, avec des éléments concrets qui démontrent qu’une garde exclusive est préférable.
4. Dois-je impliquer mon enfant dans la procédure ?
C’est une question délicate. Les enfants peuvent être entendus par le juge s’ils en expriment le souhait (à partir de 7 ans environ).
- Quels sont les risques pour l’enfant ? : une audition peut être stressante pour l’enfant. Il est donc crucial de le préparer sans l’influencer (expliquer simplement le contexte, mettre l’accent sur l’honnêteté, créer un espace d’écoute neutre, anticiper et le préparer aux aspects pratiques de l’audition, faire appel à un professionnel etc).
- Dois-je l’encourager à parler au juge ? : seulement s’il le souhaite et s’il est à l’aise pour le faire.
Bon à savoir : Mise à jour 2024, le décret n°2024-05 du 15 mai 2024 renforce les protections autour de l’audition des enfants en prévoyant des conditions d’écoute bienveillante et confidentielle
- Présence obligatoire d’un professionnel formé : Un juge ou un greffier doit être formé spécifiquement en psychologie infantile et en communication avec les enfants.
- Utilisation d’un langage simple : Le langage employé doit être adapté à l’âge de l’enfant pour garantir sa compréhension.
- Interdiction de questions orientantes : Il est interdit de poser des questions qui pourraient orienter les réponses de l’enfant.
- Absence des parents et avocats : Aucune présence directe des parents ou de leurs avocats ne doit être autorisée pour permettre à l’enfant de s’exprimer librement, sans crainte de représailles ou d’influence.
- Enregistrement protégé des auditions : Les auditions doivent être enregistrées de manière protégée pour garantir la confidentialité et l’intégrité des déclarations de l’enfant.
- Salle d’auditions aménagée : La salle d’audition doit être conçue avec des couleurs apaisantes, des jouets, des livres et l’absence de symboles formels pour créer un environnement rassurant.
- Présence facultative d’un psychologue : Un psychologue peut être présent, si nécessaire, pour soutenir l’enfant pendant l’audition.
- Soutien post-audition : Des associations, des psychologues ou d’autres professionnels doivent être disponibles pour apporter un soutien à l’enfant après l’audition.
- Rapport systémique au juge : Un rapport détaillé de l’audition doit être systématiquement remis au juge pour informer sa décision.
5. Quelles sont les étapes concrètes pour demander la garde exclusive ?
Voici un aperçu des étapes clés :
- Consultation d’un avocat : bien que non obligatoire, un avocat spécialisé en droit de la famille est fortement recommandé pour vous accompagner. Prenez rdv ici.
- Dépôt de la demande : vous devez saisir le JAF du tribunal compétent (celui du domicile de l’enfant).
- Rassemblement des preuves : fournissez tous les éléments nécessaires pour appuyer votre demande.
- Audience au tribunal : vous expliquerez vos motivations et présenterez vos preuves.
- Décision du juge : si la garde exclusive est accordée, elle sera actée dans une ordonnance.
6. Puis-je modifier une garde alternée déjà en place ?
Oui, mais il faut démontrer un changement significatif de circonstances depuis la dernière décision (déménagement, comportement inadapté de l’autre parent, besoins évolutifs de l’enfant).
7. La garde exclusive me donne-t-elle le droit d’empêcher l’autre parent de voir l’enfant ?
Non. Sauf en cas de danger avéré pour l’enfant, l’autre parent conserve un droit de visite et d’hébergement, qui peut être limité ou supervisé selon la décision du juge.
8. Que faire si le juge refuse ma demande ?
Vous pouvez faire appel de la décision, mais il est crucial d’analyser les motifs du refus pour adapter votre stratégie. Si vous souhaitez être accompagné(e) au mieux durant cette épreuve, contactez le cabinet de Me Chreifa Badji Ouali.