Depuis 2024, en écho à une volonté européenne de clarifier les régimes matrimoniaux dans les unions transnationales, la France renforce la réglementation pour les couples dits « mixtes ».
Cette réglementation renforcée impose aux couples mixtes (c’est-à-dire dont les époux ont des nationalités ou résidences différentes) de préciser quel droit national régira leur régime matrimonial dans leur contrat de mariage.
Les couples mixtes ne sont cependant pas obligés de signer un contrat de mariage. En France, le contrat de mariage est une option, et non une obligation. Cela concerne tous les couples, qu’ils soient mixtes ou non.
Le régime matrimonial par défaut (en l’absence de contrat) : communauté réduite aux acquêts
Si un couple ne signe pas de contrat de mariage, le régime matrimonial par défaut s’applique. En France, ce régime est celui de la communauté réduite aux acquêts, sauf si l’un des époux est déjà sous un autre régime (exemple séparation de biens).
- Communauté réduite aux acquêts : cela signifie que les biens acquis pendant le mariage (par exemple, les salaires ou les biens immobiliers achetés ensemble) seront communs, tandis que les biens possédés avant le mariage ou reçus par donation ou héritage resteront personnels à chaque époux.
- Exemple cas concret : Camille et Diego, mariés sans contrat : Camille gagne 3 000€/mois, Diego 2 000€/mois. Peu importe, l’épargne commune est censée appartenir à parts égales aux deux. Camille hérite d’un appartement de sa grand-mère. Cet appartement reste personnel, même si le couple y habite.
Le choix du contrat de mariage pour les couples mixtes
Si les époux souhaitent un régime matrimonial spécifique, ils peuvent choisir de signer un contrat de mariage. Ce choix est particulièrement important quand les époux viennent de pays différents, résident dans un pays tiers ou possèdent des biens dans plusieurs pays. Cela va permettre de choisir entre plusieurs régimes :
- Séparation de biens : chaque époux garde ses biens, acquis avant ou pendant le mariage.
- Communauté universelle : tous les biens, même ceux d’avant le mariage, sont mis en commun.
- Participation aux acquêts : une combinaison de séparation de biens pendant le mariage et une forme de communauté (partage équitable à la fin) à la dissolution du mariage lors d’un divorce ou décès.
—> Bon à savoir : en Allemagne, le régime matrimonial légal par défaut est la participation aux acquêts (Zugewinngemeinschaft), alors qu’en France, c’est la communauté réduite aux acquêts. Cela signifie que les règles qui s’appliquent automatiquement aux couples mariés diffèrent selon le pays. Donc, dans un couple franco-allemand, on ne peut pas supposer que le droit français va s’appliquer juste parce qu’on a l’habitude de ce modèle. Il faut se poser la question du choix de la loi.
En Allemagne, pendant le mariage, chaque époux garde ses biens séparés. En cas de divorce ou de décès, on calcule l’augmentation du patrimoine de chacun, et celui qui s’est le moins enrichi reçoit une compensation. Et donc, il y a séparation des biens pendant le mariage, mais partage de l’enrichissement à la fin.
Exemple : dans un couple marié sans contrat en Allemagne, chacun épargne et achète des biens de son côté, tout reste individuel. Au moment du divorce, si l’un s’est enrichi (net) de 100 000 € et l’autre de 20 000 €, une compensation de 40 000 € est versée pour équilibrer les « acquêts ». C’est toujours l’époux qui s’est le plus enrichi qui verse la compensation.
L’importance du contrat de mariage pour les couples mixtes
A) Prévenir les conflits de lois
Les couples binationaux peuvent se heurter à plusieurs systèmes juridiques qui coexistent, à savoir nationalité, résidence, lieu des biens… Cela peut vite virer au casse-tête en cas de divorce ou de décès. Préciser dès le départ la loi applicable permet d’éviter les litiges dans les cas susmentionnés.
B) Assurer la transparence patrimoniale
Protéger le conjoint potentiellement désavantagé (souvent celui qui n’est pas natif du pays de résidence ou qui ne maîtrise pas les règles juridiques locales). Elle garantit également la sécurité juridique pour les créanciers ou héritiers.
C) Comment choisir la loi applicable ?
Les couples doivent choisir parmi les options suivantes :
D) Options possibles :
- Loi française : par défaut si le couple vit en France.
- Loi du pays d’origine d’un époux (ex droit italien ou marocain).
- Loi du pays de résidence actuelle ou future.
E) Procédure :
Elle doit être écrite dans le contrat de mariage, signé devant notaire. D’ailleurs, ce dernier est tenu d’informer les époux des implications de leur choix et de vérifier que leur décision est éclairée.Si aucun contrat n’est signé, le règlement (UE) n°2016/1103 s’applique → loi du pays de la première résidence commune après le mariage.
Exemple concret : Elena (italienne) et Mehdi (français) se marient en France mais partent vivre en Italie. S’ils ne précisent rien, le régime applicable sera italien, même si le mariage a eu lieu en France.
F) Que se passe-t-il si on ne respecte pas les règles ?
Si les époux ne précisent pas la loi applicable, cela peut entraîner :
- Un risque de conflit de juridiction (tribunal français vs tribunal étranger).
- Un possibilité d’inégalités patrimoniales. Par exemple, certaines lois (comme celle de certains États américains) attribuent une grosse compensation financière à l’un des époux en cas de divorce.
E) Liens avec les évolutions législatives récentes
—> En 2025, les débats autour de la loi de transparence patrimoniale s’inscrivent dans une volonté européenne d’uniformiser les règles des couples internationaux :
- Règlement (UE) n°2016/1103 : sur la compétence et la loi applicable en matière de régimes matrimoniaux.
- Règlement (UE) n°2016/1104 : sur les effets patrimoniaux des partenariats enregistrés.
Ces règlements sont complétés par des textes nationaux, notamment pour mieux protéger les conjoints étrangers en France, où le recours au notaire devient central pour garantir la sécurité juridique.
En France, la loi sur la transparence patrimoniale a :
- renforcé le devoir d’information par le notaire.
- encouragé la déclaration anticipée de la loi applicable.
- permis une meilleure protection des conjoints étrangers.
F) Exemple de décision de la Cour de cassation (2019)
L’affaire en exemple : Choix de la loi applicable à un contrat de mariage dans un couple international
Les faits :
Un couple, composé d’une française et d’un ressortissant belge, se marie en Belgique en 2010. Lors de leur mariage, ils ne précisent pas expressément la loi applicable à leur contrat de mariage. En 2017, après plusieurs années de mariage et un déménagement en France, le couple se sépare. En raison de la complexité de leur situation patrimoniale et du fait qu’ils résident désormais en France, un différend survient concernant le régime matrimonial.
La question posée à la Cour est de savoir quelle loi régit leur régime matrimonial : la loi belge (leur pays d’origine et de mariage), ou la loi française, étant donné leur résidence en France depuis plusieurs années.
—> Décision de la Cour de cassation (chambre civile, 2019) :
La Cour de cassation a rappelé que, selon le règlement européen (UE) n°2016/1103, lorsqu’aucun choix explicite n’a été fait dans le contrat de mariage, la loi applicable est celle du pays de la première résidence commune après le mariage. En l’espèce, les époux avaient déménagé en France après leur mariage, et la loi française est donc appliquée, même si le mariage a été célébré en Belgique.
La Cour a souligné l’importance de respecter les choix des époux en matière de contrat matrimonial, tout en précisant que l’absence de mention explicite du choix de la loi applicable dans le contrat conduira à l’application des règles du pays de la première résidence commune.
—> Rendu final :
La loi française est appliquée aux effets patrimoniaux du mariage. Le régime matrimonial applicable est donc celui prévu par la loi française (la communauté réduite aux acquêts) plutôt que celui belge, et ce, même si les époux sont de nationalités différentes.
Cet exemple de rendu de justice met en lumière la réglementation européenne qui intervient dans les couples internationaux et leur permet de savoir avec plus de clarté quel droit régit leur contrat matrimonial. L’absence de précision sur la loi applicable dans le contrat de mariage peut entraîner des complications, comme l’a démontré cette affaire.
Cette décision est particulièrement significative car elle réaffirme que la loi applicable au régime matrimonial, en l’absence de choix explicite, dépend du pays de résidence commune postérieure au mariage. Cette règle vise à apporter plus de prévisibilité pour les couples internationaux qui pourraient se retrouver dans des situations juridiques complexes si cette question n’était pas anticipée.
—> Statistiques utiles :
- Environ 14 % des mariages célébrés en France chaque année sont mixtes (source : INSEE).
- Moins de 20 % des couples mariés en France signent un contrat de mariage, alors que les notaires recommandent vivement d’en faire un pour les couples binationaux.
- Près de la moitié des contentieux successoraux internationaux viennent de l’absence de choix explicite du régime matrimonial.