Dans le cadre du divorce contentieux, l’audience d’orientation et sur mesures provisoires (AOMP), instituée par la loi du 23 mars 2019, est désormais une étape clé.
Elle remplace l’ancienne phase de conciliation et intervient rapidement après le dépôt de la demande (l’assignation).
Son objectif principal est d’« organiser le déroulement du divorce » et de statuer sur des mesures provisoires permettant de protéger les époux et leurs enfants le temps de la procédure.
Cette audience quasi systématique (article 254 du Code civil) fixe les grandes lignes de la mise en état (calendrier, expertises éventuelles, etc.) tout en réglant immédiatement les questions urgentes (logement, garde des enfants, pension, etc.).
En pratique, elle sert à « mieux organiser la procédure de divorce et protéger les intérêts respectifs » des parties.
Quand et pourquoi a lieu l’audience ?
L’audience d’orientation est tenue dès le lancement de la procédure contentieuse. La date et l’heure sont précisées dans l’assignation en divorce.

Le juge aux affaires familiales (JAF) convoque alors les époux – généralement assistés de leurs avocats – pour, en première partie, « orienter » le dossier (mise en état classique ou participative) et, en seconde partie, fixer les mesures provisoires si nécessaire.
Cette audience est obligatoire, même si les époux renoncent aux mesures provisoires : il s’agit de garantir que le calendrier procédural est bien fixé pour un traitement rapide du dossier. En cas d’urgence (violences conjugales avérées, situation financière critique, etc.), l’audience peut être avancée pour prendre en main les besoins immédiats des parties.
Notons que la comparution personnelle n’est pas exigée : chaque époux peut faire représenter son dossier par son avocat.
Cela permet notamment d’éviter de subir le stress émotionnel de l’audience. Cependant, il est vivement conseillé d’y assister si possible, accompagné de son avocat, afin de s’assurer que toutes vos demandes sont bien entendues.
Les décisions provisoires possibles
Lors de cette audience, le JAF peut prendre un large éventail de décisions temporaires, dites mesures provisoires, pour organiser la vie des parties durant le divorce.
Celles-ci couvrent à la fois l’organisation du foyer et le sort des enfants. Parmi les mesures les plus courantes :
- Logement du couple : le juge peut attribuer à titre provisoire la jouissance du domicile conjugal (gratuite ou en contrepartie d’un loyer) à l’un des époux. Il précise alors les modalités (par ex. indemnité d’occupation) si les deux veulent rester dans le logement. Il peut aussi enjoindre l’époux assignataire à verser un loyer ou des charges (ex. prêt immobilier) pour le logement familial.
- Effets personnels : remise des vêtements, véhicules ou autres biens d’usage (enfants jouets, ordinateur du travail, etc.) à l’époux qui en a le plus besoin.
- Pension alimentaire pour le conjoint : le devoir de secours peut se traduire par une pension alimentaire temporaire ou par le maintien du conjoint dans le logement familial.
- Contribution aux charges du mariage : répartition provisoire des dettes communes et des dépenses courantes (loyers, factures, crédits) entre les époux. Par exemple, le juge désigne qui paie quel emprunt ou facture en attendant le partage définitif.
- Droits et vie des enfants : fixation de la résidence de l’enfant (chez quel parent il vivra principalement) et des modalités d’exercice de l’autorité parentale (droits de visite et d’hébergement). Le JAF peut ordonner une résidence alternée dès cette audience si cela est demandé et dans l’intérêt de l’enfant. Il détermine aussi, le cas échéant, le versement d’une pension alimentaire pour enfants et la répartition de leurs frais (scolarité, santé).
- Mesures exceptionnelles : en cas de désaccord persistant ou de situation spécifique, le juge peut proposer une médiation familiale ou nommer un expert (psychologue pour l’enfant, notaire pour le partage patrimonial, etc.). Par exemple, il peut désigner un notaire pour établir le projet de liquidation du régime matrimonial ou ordonner un inventaire estimatif des biens communs.
Toutes ces mesures ont un caractère provisoire : elles s’appliquent jusqu’au jugement de divorce, mais pourront être modifiées ultérieurement en cas de changement de situation ou sur appel.
Elles sont prises souverainement par le juge, mais en tenant compte des accords éventuels conclus entre les époux avant l’audience.
Documents et preuves à préparer

Une bonne préparation documentaire est indispensable. Votre avocat vous aidera à constituer un « dossier d’audience » complet. Celui-ci peut inclure notamment :
- Justificatifs d’identité et situation matrimoniale : copies de l’acte de mariage, du contrat de mariage (le cas échéant), du livret de famille, jugements antérieurs (si vous avez déjà des décisions sur la résidence, par ex.).
- Pièces financières : fiches de paie récentes, relevés bancaires (personnels et communs), avis d’imposition, tout document attestant des revenus et charges de chaque époux. Relevez les pensions déjà versées (en cas de séparation antérieure), les loyers ou crédits en cours, les factures majeures (énergie, eau).
- Biens et dettes : estimations ou preuves des biens (immeuble, véhicules, comptes, placements) et dettes communes (crédits à rembourser) ainsi que leur titularité. Fournissez les contrats de prêts ou copies des relevés bancaires illustrant le remboursement.
- Documents relatifs aux enfants : actes de naissance, certificats de scolarité ou bulletins de notes, attestations de l’établissement sur les particularités (santé, handicap, section sportive, etc.), attestations de tiers (assistantes maternelles, enseignants) sur la qualité de votre prise en charge de l’enfant. Si vous souhaitez la résidence de l’enfant, toute preuve montrant un environnement stable (logement, école, activités périscolaires) peut être utile.
- Preuves spécifiques : copies de courriers, courriels ou textos échangés sur des accords (même informels) ou sur des faits (violences, manquement à obligations) pertinents. Par exemple, preuves de revenus (factures, loyers perçus) ou de dépenses liées à l’enfant. En cas de violences conjugales, tout rapport médical, certificat de plainte ou de commissariat, ou constat d’huissier peut justifier la prise de mesures de protection.
Point-clé : Les pièces doivent être listées dans vos conclusions et échangées entre avocats avant l’audience (principe du contradictoire).
N’oubliez pas d’apporter les originaux ou copies certifiées conformes lors de l’audience pour vérification. Un dossier complet renforce votre crédibilité et facilite la décision du juge.
Déroulé pas à pas de l’audience
Le jour de l’audience, le juge reçoit les époux et leurs avocats en cabinet, à huis clos
Le déroulement type est le suivant :
- Accueil et rappel des demandes : Le JAF débute l’audience en rappelant l’objet de la procédure. Il invite chaque partie, par l’intermédiaire de son avocat, à formuler ses demandes provisoires. L’avocat du demandeur (celui qui a assigné) présente alors oralement les mesures souhaitées et les arguments correspondants, appuyés sur les pièces du dossier. Vient ensuite l’avocat du défendeur, qui réplique et expose ses propres demandes. Chaque avocat peut se référer à ses écritures ou exposer des éléments nouveaux s’ils sont pertinents. Parfois, le juge pose des questions directement aux époux pour clarifier un point sensible (ex. conditions de logement, organisation des visites).
- Organisation de la procédure (1ʳᵉ partie) : Une fois les mesures évoquées, le juge organise la suite du divorce. Il décide du mode de mise en état : voie classique (échanges écrits), procédure participative, ou parfois fixe directement la date de plaidoirie si le dossier est prêt. Il établit un calendrier précis : délais pour déposer conclusions et pièces supplémentaires, date de clôture des débats ou d’audience finale. Il peut annoncer la nomination d’un expert (médical, comptable) si le dossier le requiert. L’objectif est de garantir que l’affaire soit jugée dans les meilleures conditions possibles et dans des délais raisonnables.
- Prononcé des mesures provisoires (2ᵉ partie) : Après cette partie procédurale, le juge aborde les mesures à prendre immédiatement. Il peut annoncer oralement certaines décisions (par exemple, attribution du logement) et vérifier l’accord des avocats sur leurs modalités. Lors de la délibération (hors présence des parties), il rendra ensuite l’ordonnance d’orientation et mesures provisoires, détaillant toutes les mesures prononcées (logement, pension, garde, etc.) et leur date de prise d’effet. Le juge veille à adapter ses décisions à l’intérêt des enfants et à l’équité entre les époux.
- Clôture de l’audience : L’audience se termine par un rappel des conséquences : l’ordonnance qui sera rendue reste susceptible d’appel et sera notifiée aux parties. Le juge fixe généralement le délai d’appel (15 jours) ainsi que la date prévue pour le jugement du divorce (sous réserve du calendrier fixé).
Récapitulatif en 60 secondes – Lors de l’audience d’orientation, le juge aux affaires familiales : (1) définit les procédures et calendriers à venir (mise en état du dossier) ; (2) fixe les mesures provisoires nécessaires (logement, garde des enfants, pension…). L’audience est formelle mais non publique. Avocats obligatoires, époux peuvent ou non être présents.
7 erreurs fréquentes à éviter
- Être mal préparé. Ne pas collecter suffisamment de preuves ou documents (voir checklist ci-dessus) est la faute la plus grave. Arriver sans justificatifs de revenus, sans preuve de propriété, ou sans documents utiles (bulletins scolaires, actes officiels) compromet vos demandes.
- Montrer de l’impatience ou du mépris. L’audience se tient dans le bureau du juge : l’atmosphère est formelle. Il faut être ponctuel, courtois, et s’habiller de façon adaptée pour inspirer le respect. Écoutez les questions du juge et les propos de l’avocat adverse avec calme. Couper la parole ou réagir impulsivement peut se retourner contre vous.
- Négliger l’aspect psychologique. Les enjeux personnels (enfants, logement) sont forts. Perdre votre sang-froid ou se laisser submerger par l’émotion risque de brouiller le message. Ayez en tête que les décisions rendues sont provisoires : respirez et restez factuel. Un avocat expérimenté vous préparera sur les points délicats à aborder.
- Parler seul sans consulter son avocat. Votre avocat connaît la procédure par cœur. Laisser votre conseiller plaider seul, ou préparer avec lui vos interventions, est essentiel. Évitez d’improviser un argument en réaction aux dires de l’autre partie sans en avoir discuté avant.
- Ignorer les délais et conditions de procédure. Par exemple, ne pas répondre aux demandes d’échange de pièces dans les délais impartis, ou ne pas valider des accords écrits dans l’assignation (partage patrimonial, médiation) peut vous rendre irrecevable. Vérifiez que l’assignation mentionne bien tout ce qu’elle doit (date de l’audience, propositions de partage, rappel médiation…).
- Refuser tout compromis, même temporaire. Parfois, un accord minimal sur un point (ex. visite élargie) peut alléger la procédure. Refuser catégoriquement toute discussion sur une mesure provisoire peut aggraver le conflit et desservir votre dossier devant le juge.
- Ne pas se faire accompagner par un professionnel. L’audience d’orientation est très technique (règles du Code civil et de procédure civile s’appliquent). Tenter de la gérer seul, sans avocat, est risqué – d’ailleurs, la présence d’un avocat est obligatoire lors de cette procédure contentieuse. Un avocat de la famille comme Me Ouali saura anticiper les demandes de l’autre partie et formuler clairement les vôtres, maximisant ainsi vos chances d’obtenir une ordonnance équilibrée.
Après l’audience : suites, délais, recours
À l’issue de l’audience, le juge rend l’ordonnance d’orientation et mesures provisoires. Cette décision, motivée, est notifiée aux parties.
Les mesures provisoires qu’elle contient prennent effet immédiatement (souvent à compter de l’audience) et resteront valables jusqu’au jugement de divorce.
Si l’un des époux souhaite contester tout ou partie de ces mesures (par exemple, une pension alimentaire jugée insuffisante), il peut interjeter appel devant la cour d’appel dans un délai généralement de 15 jours après notification.
Cet appel, s’il est exercé, ne suspend pas automatiquement les mesures initiales, qui restent effectives en attendant la décision d’appel.
Entre l’ordonnance d’orientation et le jugement final, le dossier entre en mise en état : échanges de conclusions et de pièces entre avocats, expertise éventuelle, nomination d’un médiateur ou d’un notaire pour le partage patrimonial, etc.
Le juge de la mise en état veille au respect des calendriers fixés.
Enfin, une audience de plaidoirie est programmée devant le JAF pour statuer sur le fond du divorce (cause, liquidation du régime matrimonial, autorité parentale définitive, etc.).
Le délai entre l’assignation et le jugement peut varier de plusieurs mois à plus d’un an selon la complexité du dossier et l’encombrement des tribunaux.
En résumé : l’audience d’orientation structure la procédure et vous permet d’obtenir rapidement des mesures transitoires pour sécuriser votre situation (logement, finance, enfants).
Après cette audience, restez vigilant sur les dates et poursuivez la préparation de votre dossier avec votre avocat pour la phase de fond.
L’ordonnance rendue peut être révisée plus tard si la situation change (perte d’emploi, déménagement, etc.), mais il faut toujours justifier d’un « fait nouveau » pour en demander la modification.
FAQ
- Dois-je obligatoirement être présent à l’audience ? Non. Vous pouvez être représenté par votre avocat si vous ne pouvez pas assister. Votre présence personnelle n’est pas obligatoire. Dans la pratique, on vous encourage toutefois à venir pour comprendre les questions et décisions en direct.
- Peut-on contester une mesure provisoire ? Sous quel délai ? Oui. L’ordonnance d’orientation est susceptible d’appel. L’appel doit être formé généralement dans les 15 jours suivant sa notification. Il faut alors saisir la cour d’appel (via votre avocat). Notez que cet appel n’interrompt pas l’application immédiate des mesures : elles restent en vigueur pendant la procédure d’appel.
- Quelles preuves sont pertinentes pour faire valoir la résidence d’un parent ? L’intérêt de l’enfant prime (Code civil art. 373‑2‑11). Les preuves peuvent inclure : certificat de scolarité ou attestation de l’école du parent demandeur, justificatif de résidence principale stable, factures liées à l’enfant (garde, santé), témoignages (enseignants, assistantes maternelles) sur la qualité de votre lien avec l’enfant. Plus généralement, tout document montrant que l’environnement proposé est adapté (ex. preuve d’un logement adapté ou d’activités stables) aidera le juge à statuer.
- Comment est évaluée la pension alimentaire provisoire ? Le juge se base sur les revenus et charges de chaque parent ainsi que sur les besoins de l’enfant. Il existe des barèmes indicatifs (ministère de la Justice, simulateur service-public.fr) qui donnent une fourchette, mais le juge reste libre de son montant. En pratique, il retient souvent quelques pourcents du revenu du parent débiteur (en majorant si résidence alternée, en minorant si enfants chez le débiteur), en veillant à ce qu’il conserve un minimum vital. Votre avocat pourra effectuer des simulations avec vous pour estimer ce montant avant l’audience.
- Que faire si l’autre parent ne respecte pas les mesures provisoires (ex. ne paie pas la pension ou ne restitue pas les enfants) ? Vous pouvez saisir à nouveau le juge aux affaires familiales pour demander le rappel à l’ordre ou la modification des mesures. Le juge peut alors prononcer des astreintes financières : par exemple, la jurisprudence a validé 300 € d’amende par infraction constatée. On peut également saisir le juge de l’exécution pour faire appliquer la décision (astreintes journalières), voire porter plainte au pénal en cas de non-présentation d’enfant (article 227-5 du Code pénal). Dans tous les cas, faire appel à un avocat pour rédiger ces demandes multiplie les chances d’obtenir une issue rapide et coercitive.