Le Parlement a définitivement adopté une loi historique le 29 octobre 2025, intégrant la notion de non‑consentement dans le Code pénal.
En tant qu’avocate en droit des victimes, Maître Chreifa Badji Ouali vous explique ce que cette révolution juridique change concrètement pour la reconnaissance de votre parole et le dépôt de votre plainte, notamment en cas de sidération ou d’emprise.
« Ne pas dire non, ce n’est pas dire oui » : la loi enfin alignée sur la réalité des victimes
Avant 2025 : une définition centrée sur la violence, la contrainte, la menace ou la surprise
Jusqu’en 2025, le viol était défini par l’article 222‑23 du Code pénal comme « tout acte de pénétration sexuelle … commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ».
En clair, la loi exigeait de la victime qu’elle établisse qu’elle a été forcée, menacée, surprise ou qu’elle s’est débattue.
Comme l’explique Vie-publique, « la loi exige de prouver la contrainte plutôt que l’absence de consentement ».
Cette interprétation plaçait une lourde charge de la preuve sur la victime : il fallait démontrer qu’elle avait résisté ou qu’un de ces critères était présent.
Or, de nombreuses victimes restent paralysées (en état de sidération) ou subissent une forte emprise psychologique (manipulation, domination) : elles ne peuvent ni crier ni se défendre au moment des faits.
Dans ces cas, l’ancienne définition était insuffisante, car il n’y avait ni résistance physique ni menace explicite. Ces situations étaient donc difficiles à faire reconnaître juridiquement faute de pouvoir satisfaire les critères anciens.
La nouvelle loi de 2025 : l’absence de consentement devient l’élément central
Désormais, le Code pénal a basculé vers la culture du consentement. L’article 222‑22 est réécrit de manière limpide : « Constitue une agression sexuelle tout acte sexuel non consenti commis sur la personne d’autrui… ».
L’élément déterminant n’est plus la violence, mais l’absence de consentement. Comme le résume la formule consacrée, on passe de la « culture du viol » (où la victime doit prouver qu’elle a dit non) à une « culture du consentement » (où l’absence de oui clair vaut non) .
En pratique, cela signifie que la loi part du principe que tout acte sexuel est non consenti tant qu’il n’est pas clairement autorisé.
Le Parlement a ainsi « entériné… une modification majeure du code pénal en intégrant la notion de consentement à la définition du viol ».
Cette réforme, saluée comme « une victoire historique », élargit le champ d’application de la loi pour couvrir tous les cas d’agression sexuelle où le consentement n’est pas librement donné.
Qu’est-ce que le consentement (et le non-consentement) selon la nouvelle loi ?
Ce que le consentement doit être : libre, éclairé, spécifique et révocable
La loi explique précisément ce qu’est un consentement valable. Il doit être :
- Libre – formulé sans aucune contrainte ni pression. Le gouvernement rappelle que « consentement libre » signifie un accord exprimé sans contrainte ni pression d’aucune sorte .
- Éclairé – donné en pleine connaissance de cause, c’est-à-dire en l’absence d’influence de drogues, d’alcool ou de situation de vulnérabilité (fatigue extrême, trouble psychique, etc.). Le site officiel précise qu’un consentement ne peut exister « sous l’emprise de drogues ou d’alcool, ou en situation de vulnérabilité » .
- Spécifique – restreint à l’acte concerné. Consentir à une caresse ne vaut pas pour une pénétration, par exemple. Comme l’explique le ministère, « consentir à un acte n’est pas consentir à tous les actes » .
- Préalable et révocable – donné avant l’acte et pouvant être retiré à tout moment. Dire oui une fois n’engage pas au-delà : « dire oui une fois ne signifie pas dire oui pour toujours » . La victime peut à tout moment changer d’avis, même pendant l’acte.
Ces critères visent à protéger les victimes vulnérables et à poser un cadre clair. En résumé, le consentement doit être positif et actif (un « oui » explicite) et il ne peut y avoir consentement si une de ces conditions n’est pas réunie .
Le point crucial : le silence ou l’absence de réaction ne valent PAS consentement
La grande avancée de la loi est de préciser que le silence, l’immobilité ou l’absence de réaction ne peuvent jamais être interprétés comme un accord. Le texte le dit clairement : « Le consentement ne peut jamais être déduit du silence ou de l’absence de réaction de la victime, notamment lorsque celle-ci est endormie, inconsciente, sous emprise ou en état de sidération » . En d’autres termes, si vous êtes paralysée par la peur ou tétanisée, votre mutisme ne sera pas tenu contre vous.
Concrètement, pour les victimes en état de sidération (ce que l’on appelle le « freeze »), cette précision change tout. Il n’est plus requis de justifier pourquoi on n’a pas crié ou combattu : le fardeau de la preuve ne pèse plus sur la victime. On considère désormais que l’auteur doit expliquer comment il a obtenu un consentement (« comment l’agresseur s’est-il assuré du consentement ? »), plutôt que la victime de prouver son opposition .
Qu’est-ce que cette loi change pour votre plainte ?
L’impact sur l’enquête et l’instruction
Cette réforme recentre l’enquête sur l’agresseur et sa volonté de s’assurer du consentement. Les enquêteurs devront notamment vérifier quelles mesures l’auteur a prises pour obtenir un « oui » explicite de la victime. Comme le note Vie-publique, les nouvelles dispositions permettent « de s’interroger davantage qu’aujourd’hui sur le comportement de l’auteur dans le cadre de l’enquête judiciaire (notamment dans les situations de vulnérabilité) et d’éviter que l’investigation ne soit centrée uniquement sur la victime » .
En pratique, cela renforce la crédibilité de la parole des victimes qui n’ont pas pu se défendre physiquement. Par exemple, le fait que la victime n’ait pas résisté ou crié ne sera plus considéré comme un indice de consentement. Le juge et le procureur tiendront compte des circonstances (silence, paralysie, etc.) plutôt que de supposer qu’il fallait prouver une lutte.
Une reconnaissance facilitée pour des situations spécifiques
Certaines situations jusque-là difficiles à qualifier seront désormais mieux prises en compte :
- Emprise psychologique – Les cas de viols sous domination morale (manipulation, chantage affectif) sont mieux reconnus, car la loi inclut toute forme de contrainte, y compris psychologique . C’est une situation fréquemment rencontrée dans les cas de violences conjugales, où l’agresseur use de son pouvoir (ex : mari, petit ami) pour obtenir un consentement. Le législateur précise qu’il n’y a pas de consentement « si l’acte est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature » – ce qui englobe la coercition psychologique (état d’emprise). Cette nouvelle rédaction devrait permettre aux victimes dont l’agresseur utilisait des pressions subtilement de voir leur plainte mieux accueillie.
- Soumission chimique – La notion de consentement « éclairé » renforce la qualification des actes commis après administration de drogues ou GHB. Si vous avez été droguée pendant la soirée, vous n’avez manifestement pas pu donner un consentement libre et éclairé. Les juges pourront plus facilement caractériser le viol commis sous « soumission chimique » car le consentement est exclu dès lors que la victime est sous emprise de substances .
- Contexte d’inceste ou d’autorité – La notion de consentement libre est cruciale lorsque l’agresseur est un parent ou une personne en autorité. Dans les cas d’inceste ou d’abus sur mineur·e·s, aucun consentement des enfants n’est valide. Bien que le droit pénal sanctionne déjà spécifiquement ces situations (loi 2021 sur les mineurs), cette réforme renforce le principe qu’un enfant ne peut pas consentir librement à un acte sexuel. De même, lorsque l’agresseur a autorité (enseignant, entraîneur, etc.), le consentement n’est jamais réputé « libre » s’il y a déséquilibre de pouvoir.
Cette loi vient donc renforcer la protection des victimes d’inceste et d’abus sur mineurs, en rappelant que le critère du consentement libre ne peut pas être rempli dans ces situations spécifiques . (Pour en savoir plus sur la protection des mineurs, voir nos articles sur l’inceste et sur les abus sexuels sur mineurs.)
Le rôle de votre avocate dans ce nouveau cadre légal
En tant qu’avocate, Maître Ouali met la nouvelle loi au service de ses clientes.
Concrètement, son intervention se décline en trois étapes clés :
- Qualifier les faits – Après l’agression, nous aidons la victime à nommer juridiquement ce qu’elle a vécu au regard de la nouvelle définition du viol. Par exemple, nous soulignons qu’il n’y avait pas de « oui » libre et éclairé et qu’il s’agit donc d’un acte non consenti. Cette étape est essentielle pour orienter la plainte sur la bonne incrimination (viol ou agression sexuelle).
- Constituer le dossier – Nous rassemblons tous les éléments de preuve montrant l’absence de consentement libre et éclairé : échanges de messages, témoignages, éléments médicaux ou psychologiques. Par exemple, s’il y avait administration de drogue, sidération ou pressions psychologiques, nous insistons sur ces points. Nous demandons également une expertise de crédibilité si nécessaire. L’objectif est de démontrer comment l’agresseur s’est assuré de votre « consentement » (ou, au contraire, n’en a pas cherché).
- Vous défendre à l’audience – Devant le juge ou les assises, Maître Ouali met en avant le cadre légal du nouveau consentement pour défendre sa cliente. Elle portera votre parole et contrera les arguments classiques de la défense (ex. « elle était consentante », « elle n’a pas crié »). Désormais, insister sur le manque de résistance ou le silence de la victime ne peut plus suffire à établir un consentement. Maître Ouali rappellera que la loi impose à l’accusé de prouver le consentement plutôt qu’à la victime de prouver son absence.
Pour en savoir plus sur l’accompagnement par notre cabinet, consultez notre page dédiée au Droit des victimes, où nous détaillons notre approche bienveillante et confidencielle.
Conclusion : une avancée majeure pour toutes les victimes
Cette loi de 2025 est une victoire symbolique et pratique dans la lutte contre les violences sexuelles. Elle aligne enfin le droit pénal sur la réalité psychologique des agressions en reconnaissant explicitement que tout acte sexuel non consenti est un viol . Comme le souligne Amnesty International, l’adoption de cette réforme est une « avancée historique » pour les victimes de viol . De plus, elle envoie un message fort : dorénavant, même si vous n’avez pas pu dire « non » ou si vous étiez paralysée par la peur, la loi vous reconnaît explicitement comme victime.
Cette reconnaissance légale est une étape cruciale pour rétablir la justice et bâtir une véritable culture du consentement. Si vous êtes concernée par ces changements ou si vous avez été victime d’une agression sexuelle, n’hésitez pas à contacter le cabinet de Maître Ouali pour une consultation confidentielle et bienveillante. Vous n’êtes pas seule : la loi évolue pour vous protéger et nous sommes là pour vous défendre.