Le divorce pour faute est l’une des formes de rupture matrimoniale les plus contentieuses en France. Bien qu’il soit aujourd’hui moins fréquent que par le passé (moins d’un divorce sur 10 est prononcé pour faute, il demeure une voie juridique essentielle lorsque l’un des époux a gravement manqué à ses obligations conjugales.
Ce guide propose un tour d’horizon pédagogique de cette procédure pour faute : les conditions pour l’invoquer, les preuves à réunir, le déroulement de la procédure et les enjeux juridiques qui en découlent.
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Qu’est-ce qu’un divorce pour faute ?
Le divorce pour faute suppose de démontrer que l’un des époux a commis une violation grave ou répétée des devoirs du mariage, rendant intolérable le maintien de la vie commune.
En d’autres termes, il faut établir une faute conjugale sérieuse imputable à l’autre conjoint. Parmi les fautes les plus souvent invoquées figurent :
- L’adultère (infidélité avérée, manquement au devoir de fidélité) ;
- Les violences conjugales (physiques ou psychologiques, contraires au devoir de respect et d’assistance) ;
- L’abandon du domicile familial ou le refus de contribuer aux charges du ménage.
Ces comportements constituent des manquements graves aux obligations du mariage (fidélité, secours, assistance, contribution aux charges…).
Il appartient au juge aux affaires familiales (JAF) d’apprécier la gravité des faits.
Notez que si le conjoint « victime » a pardonné ou repris la vie commune après les faits reprochés, le divorce pour faute pourrait être refusé en raison de ce pardon implicite.
Preuves : comment établir la faute de son conjoint ?
Charge de la preuve : C’est à l’époux qui demande le divorce pour faute (le demandeur) d’apporter la preuve des manquements qu’il allègue. Tous les modes de preuve sont admis à condition d’être obtenus loyalement (sans fraude ni violence).
On pourra ainsi produire notamment :
- Des témoignages et attestations écrites de proches ayant constaté les faits (sous la forme d’attestations sur l’honneur accompagnées de la copie de leur pièce d’identité) ;
- Des échanges écrits compromettants : courriels, SMS, messages sur les réseaux sociaux démontrant par exemple une infidélité ou des injures ;
- Des constats d’huissier : en cas d’adultère, un constat d’huissier attestant la présence du conjoint dans le domicile d’une tierce personne en situation équivoque fera foi. Ce type de preuve est particulièrement solide pour établir une infidélité avérée ;
- Des documents officiels : certificats médicaux prouvant des violences physiques, dépôt de plainte ou main courante en cas de violences conjugales, etc.
Il est important de rassembler des preuves solides et concordantes.
Le juge formera sa conviction au vu de l’ensemble des éléments apportés par les deux parties. Attention, les preuves obtenues de manière illégale (par exemple, en enregistrant à son insu des conversations privées ou en subtilisant des documents personnels) pourront être écartées du débat.
Par ailleurs, les frais engagés pour réunir ces preuves (enquête d’un détective privé, constat d’huissier…) restent généralement à la charge de celui qui les a exposés et ne sont pas remboursés, même s’il obtient gain de cause.
La procédure du divorce pour faute
1. Engagement de la procédure : Le divorce pour faute étant un divorce contentieux, il nécessite de saisir le tribunal judiciaire. Chaque époux doit obligatoirement être assisté par un avocat. La procédure débute par une assignation en divorce, rédigée par l’avocat du demandeur et signifiée par huissier à l’autre époux. À noter : l’assignation initiale ne doit pas mentionner les griefs ni le motif « pour faute » sous peine d’irrecevabilité.
Elle comporte en revanche une proposition de règlement des intérêts financiers et patrimoniaux du couple (répartition des biens, dettes, etc.), ainsi que la date de l’audience à venir.
2. Audience d’orientation et mesures provisoires (AOMP) : Une fois le juge saisi, une audience dite d’orientation et sur mesures provisoires est fixée devant le JAF.
Lors de cette audience, le juge peut :
- Ordonner des mesures provisoires pour organiser la vie des époux pendant la procédure (par ex. fixer la résidence des enfants et le droit de visite, statuer sur une pension alimentaire provisoire, attribuer la jouissance du domicile conjugal à l’un des époux, etc.).
Désormais, il est possible de demander à ce que ces mesures prennent effet à la date de l’assignation pour éviter toute période de flou. - Orienter la suite du dossier : le juge et les avocats évoquent la poursuite de la procédure. Si les époux le souhaitent, une médiation familiale peut être proposée ou une procédure participative pour tenter de trouver un accord amiable partiel. À défaut, le divorce suivra son cours contentieux classique.
Les époux ne sont plus entendus séparément comme autrefois : ils comparaissent (généralement via leurs avocats) en même temps, et leur présence personnelle n’est pas obligatoire bien que recommandée.
À l’issue de l’audience, le juge rend une ordonnance organisant provisoirement la situation jusqu’au jugement final.
3. Instruction et jugement : Après l’audience d’orientation, s’ouvre la phase de fond du divorce. Les avocats échangent des conclusions écrites exposant les fautes reprochées et les arguments de défense, ainsi que sur les conséquences financières (demande de prestation compensatoire, de dommages-intérêts, etc.). Des pièces sont versées au dossier pour prouver les faits.
Le dossier étant prêt, l’affaire est plaidée en audience devant le JAF. Le juge tranchera sur deux aspects : d’une part, statuer sur le principe du divorce et la faute (prononcé du divorce aux torts exclusifs d’un époux ou torts partagés entre les deux) ; d’autre part, fixer les conséquences du divorce (montant de la prestation compensatoire éventuelle, dommages-intérêts, autorité parentale et pensions pour les enfants, etc.).
Le jugement de divorce pour faute est prononcé en moyenne après 18 mois environ de procédure (la durée peut varier selon la complexité des affaires). C’est une procédure relativement longue, coûteuse et éprouvante nerveusement, d’où l’intérêt de bien mesurer l’opportunité de cette démarche.
Sachez qu’en cours de route, les époux peuvent décider d’abandonner la voie du divorce pour faute au profit d’une solution plus consensuelle. La loi permet en effet de changer de fondement juridique en cours de procédure : si un accord intervient, le divorce pour faute peut être requalifié en divorce par consentement mutuel (amiable) ou en divorce pour acceptation du principe de la rupture (contentieux sans faute).
Cette « passerelle » offre une porte de sortie moins conflictuelle si les deux parties finissent par trouver un terrain d’entente.
Enjeux et conséquences juridiques du divorce pour faute
Un divorce pour faute reconnu peut avoir des conséquences importantes pour l’époux fautif comme pour l’époux « innocent ». Sur le plan moral, il entérine officiellement la responsabilité d’un conjoint dans l’échec du mariage. Sur le plan juridique et financier, plusieurs effets sont à noter :
- Prestation compensatoire : il s’agit du montant versé par l’un des ex-époux à l’autre pour compenser une disparité de niveau de vie due au divorce. En principe, même l’époux fautif peut y prétendre s’il subit une perte financière.
Cependant, le juge peut refuser d’accorder une prestation compensatoire à l’époux reconnu comme seul responsable du divorce si l’équité l’exige au regard des circonstances particulières.
Autrement dit, dans les cas de fautes très graves, le conjoint fautif peut être privé de cette aide financière par décision motivée du tribunal. Il s’agit d’une mesure exceptionnelle visant à ne pas avantager un époux dont le comportement a été particulièrement choquant. - Dommages-intérêts : l’époux victime peut demander des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des fautes de son conjoint (préjudice moral, humiliation, violences subies, etc.). Cette demande doit être formulée au cours de la procédure de divorce. Le juge reste libre d’accorder ou non ces dommages-intérêts en fonction de la gravité des fautes.
En pratique, les tribunaux accordent fréquemment des indemnités lorsque des violences conjugales sont établies, mais les octroient plus rarement pour d’autres types de fautes.
Le montant varie selon l’ampleur du préjudice prouvé. - Autres conséquences patrimoniales : le divorce pour faute n’a pas d’impact particulier sur le partage des biens du couple par rapport aux autres divorces (le régime matrimonial est liquidé de la même manière).
En revanche, le conjoint fautif pourrait, dans certains cas, perdre le bénéfice de certains droits.
Par exemple, s’il remplissait les conditions pour percevoir une part de la pension de réversion (pension de veuf/veuve) de son ex-époux à l’avenir, le juge peut décider de le priver de ce droit en raison de la faute grave commise. Ceci reste toutefois à l’appréciation du tribunal et dépend du contexte de chaque divorce.
En résumé, un divorce pour faute réussi peut apporter une reconnaissance juridique des torts subis par l’époux innocent et éventuellement des compensations financières supplémentaires (dommages-intérêts).
Cependant, il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’une démarche longue et conflictuelle. La charge émotionnelle et la nécessité de prouver les fautes peuvent exacerber le conflit entre les ex-époux, avec un impact non négligeable sur les enfants quand il y en a.
Il est souvent recommandé de n’emprunter cette voie que si les manquements sont réellement graves et qu’aucune solution amiable n’est envisageable.
Conclusion : l’accompagnement indispensable de l’avocat
Le divorce pour faute est une procédure complexe qui requiert une solide expertise juridique et un accompagnement personnalisé. Pour maximimer vos chances de succès, il est essentiel de faire appel à un avocat expérimenté en droit de la famille.
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