L’interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) constitue une mesure administrative significative appliquée aux étrangers en situation irrégulière. Cette mesure, souvent annexe à une obligation de quitter le territoire français (OQTF), peut avoir des répercussions profondes sur les individus concernés.
L’IRTF se distingue d’autres mesures similaires telles que l’interdiction administrative du territoire (IAT) et l’interdiction de circulation sur le territoire français (ICTF).
L’IAT est prononcée par le ministre de l’intérieur pour des raisons de sécurité publique, tandis que l’ICTF concerne principalement les citoyens de l’Union européenne et peut être temporaire ou définitive.
L’IRTF trouve son fondement dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Selon l’article L612-6 du CESEDA, cette interdiction est obligatoire si aucun délai de départ volontaire n’a été accordé ou si l’étranger reste sur le territoire au-delà de ce délai. Toutefois, des circonstances humanitaires peuvent justifier une exemption de cette interdiction.
La durée de l’interdiction peut varier, mais elle ne doit pas dépasser 3 ans, voire 5 ans dans certains cas spécifiques. Cette interdiction s’applique à tout le territoire français et empêche l’étranger de revenir sous peine de sanctions pénales.
Les étrangers frappés d’une IRTF ont la possibilité de contester cette décision devant les tribunaux administratifs.
Ils peuvent aussi demander son abrogation en cas de changement significatif de leur situation personnelle ou familiale, ou en cas de circonstances humanitaires impérieuses.
I. Les mesures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière en France
Un étranger entré ou maintenu de manière irrégulière sur le territoire français peut être soumis à une mesure d’éloignement, principalement par un arrêté portant une OQTF. Depuis la loi « Besson » du 16 juin 2011, cette mesure est la plus couramment utilisée.
3 dispositions s’imposent :
- Délai de Départ Volontaire :
- Principe : l’étranger bénéficie d’un délai de départ volontaire de 30 jours à compter de la notification de l’OQTF.
- Exceptions : l’autorité administrative peut accorder un délai plus long ou le prolonger, mais peut aussi mettre fin à ce délai si des motifs apparaissent après notification. Le refus d’un délai de départ volontaire peut être justifié dans trois cas :
- Menace à l’ordre public.
- Demande de titre de séjour manifestement infondée ou frauduleuse.
- Risque de fuite.
- Pays de Renvoi :
- La décision d’OQTF précise le pays vers lequel l’étranger sera renvoyé en cas d’exécution d’office de la mesure d’éloignement, conformément à l’article L612-12 du CESEDA.
- Interdiction de retour sur le territoire Français :
- Prise par une autorité administrative à l’encontre du ressortissant d’un pays tiers en situation irrégulière sur le territoire français.
II. Auteur de la décision
L’interdiction de retour, en tant que mesure annexe à l’OQTF, est soumise au pouvoir d’appréciation de l’autorité administrative. Cela signifie que l’autorité compétente dispose d’une certaine marge de manœuvre pour évaluer les circonstances spécifiques de chaque cas et décider si une interdiction de retour est justifiée. Cette appréciation doit se faire dans le respect des critères légaux et réglementaires définis par le CESEDA ainsi que par les conventions internationales applicables.
Les articles L612-6 et L612-7 du CESEDA imposent à l’autorité administrative de prononcer une interdiction de retour lorsque certaines conditions sont remplies :
- Article L612-6 : lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger, l’autorité administrative doit assortir l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour. Il est important de noter que le refus du délai de départ volontaire n’est pas une obligation. L’autorité administrative peut choisir d’accorder un délai de départ volontaire plutôt que d’imposer immédiatement une interdiction de retour. Par conséquent, le refus de délai de départ volontaire n’est qu’une possibilité et non une nécessité.
- Article L612-7 (interdiction dite de plein droit) : lorsque l’étranger se maintient au-delà du délai de départ volontaire, l’autorité doit également édicter une interdiction de retour.
A) Tempérament de la compétence liée et pouvoir d’appréciation
Bon à savoir :
Ces dispositions semblent conférer à l’autorité administrative une compétence liée, c’est-à-dire qu’elle serait contrainte de prendre l’interdiction de retour dans ces situations. Il s’agit donc d’un pouvoir que l’autorité administrative (détenteur dans ce contexte) est obligée d’utiliser, qu’elle le veuille ou non.
Par exemple, les dispositions du CESEDA permettent la délivrance de titres de séjour ou la protection contre l’interdiction de retour dans certaines situations humanitaires :
• Victimes de traite ou proxénétisme : les étrangers qui portent plainte ou témoignent contre les auteurs de traite des êtres humains ou de proxénétisme peuvent obtenir un titre de séjour temporaire, ce qui peut influencer l’application de l’interdiction de retour.
• Ordonnance de protection : les étrangers protégés par une ordonnance de protection contre les violences conjugales reçoivent également un titre de séjour temporaire.
• État de santé : les étrangers nécessitant une prise en charge médicale qui ne peuvent pas obtenir le traitement nécessaire dans leur pays d’origine peuvent obtenir un titre de séjour temporaire pour raisons médicales.
B) Autres exceptions à l’interdiction de retour
Il existe également des exceptions spécifiques à l’interdiction de retour :
• Résidence prolongée : les étrangers qui ont résidé en France pendant plus de 20 ans, ou plus de 10 ans avec des liens familiaux particuliers, peuvent être exemptés.
• Situation familiale : les étrangers mariés à un ressortissant français ou père/mère d’un enfant français peuvent également échapper à l’interdiction.
C) Dans le cas d’absence de situation spécifique
II. Durée de l’interdiction de retour
A) Caractéristiques
• Durée fixée par l’autorité administrative : l’interdiction de retour n’est pas permanente. Elle est limitée dans le temps. L’autorité administrative fixe la durée pendant laquelle l’interdiction de retour est valable, mais cette durée ne peut pas dépasser 2 ans.
• À compter de l’exécution de l’OQTF : la durée de l’interdiction de retour commence à compter de l’exécution effective de l’OQTF. Cela signifie que l’interdiction de retour commence à courir dès que l’étranger quitte effectivement le territoire français.
Lorsqu’une décision d’interdiction de retour est prise à l’encontre d’un étranger, l’autorité administrative doit déterminer la durée initiale de l’interdiction en tenant compte de plusieurs critères, à savoir :
1. Durée de présence en France : plus l’étranger a résidé longtemps en France, plus cela peut influencer la décision. Une présence prolongée peut parfois justifier une durée d’interdiction plus courte, bien que ce ne soit pas une règle absolue.
2. Nature et ancienneté des liens avec la France : l’autorité considère la nature des liens de l’étranger avec la France, tels que les relations familiales, les engagements professionnels, ou les autres intégrations sociales. Les liens plus forts et plus anciens peuvent moduler la décision.
3. Mesures d’éloignement antérieures : si l’étranger a déjà été sous le coup de mesures d’éloignement précédentes, cela peut influencer la durée de l’interdiction de retour. Unhistorique de non-respect des mesures d’éloignement pourrait justifier une interdiction plus longue.
4. Menace pour l’ordre public : si l’autorité estime que la présence de l’étranger représente une menace pour l’ordre public, cela peut justifier une interdiction de retour plus stricte. Les raisons pour lesquelles l’étranger est considéré comme une menace doivent être précisées.
Bon à savoir :
La décision doit inclure une énonciation des considérations de droit et de fait. Cela permet à l’étranger de comprendre les raisons spécifiques derrière l’interdiction de retour. Cela vise à garantir la transparence et le droit à un recours effectif.
B) Informations complètes
• Cas de Prolongation (Article L612-11) : l’interdiction de retour peut être prolongée pour une durée maximale de 2 ans dans les cas suivants :
1. Lorsque l’étranger s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire après l’obligation de quitter.
2. Lorsque l’étranger s’est maintenu au-delà du délai de départ volontaire.
3. Lorsque l’étranger est revenu en France après avoir respecté l’obligation de quitter, mais l’interdiction de retour était encore en vigueur.
• Durée totale maximale : en tenant compte des prolongations possibles, la durée totale de l’interdiction de retour ne peut excéder 5 ans, sauf si une menace grave pour l’ordre public est établie.
Selon les articles R711-1 et R711-2 du CESEDA, l’exécution de la décision d’obligation de quitter est prouvée par le cachet sur les documents de voyage ou par la présentation de l’étranger dans le pays de destination auprès des autorités françaises ou de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII).
• Signalement au Système d’Information Schengen (SIS) : lorsque l’interdiction de retour est décidée, l’étranger est également signalé dans le SIS pour empêcher son admission ultérieure dans l’espace Schengen. Ce signalement est une mesure administrative et ne constitue pas une décision distincte susceptible de recours.
III. L’IRTF est-elle abrogeable ?
1. Abrogation par l’Autorité Administrative
◦ Pouvoir de l’autorité administrative : l’autorité administrative peut décider à tout moment d’abroger une interdiction de retour. Cette abrogation peut être effectuée pour diverses raisons, souvent basées sur des changements dans la situation de l’étranger ou des considérations particulières qui justifient la levée de l’interdiction.
2. Demande d’abrogation par l’étranger
◦ Condition de résidence : un étranger qui souhaite demander l’abrogation de l’interdiction de retour doit prouver qu’il réside en dehors du territoire français au moment de la demande. Cette condition est cependant levée si l’étranger est en train de purger une peine d’emprisonnement ferme en France ou est sous le coup d’une mesure d’assignation à résidence en vertu des articles L731-1 ou L731-3 du CESEDA. Dans ces cas, il n’est pas nécessaire que l’étranger soit hors de France pour faire sa demande.
3. Abrogation de plein droit
◦ Article L613-8 du CESEDA : dans certains cas, l’abrogation de l’interdiction de retour est automatique, sans besoin de décision spéciale de l’autorité administrative. Plus précisément, si un étranger qui a reçu une interdiction de retour en vertu de l’article L612-8 justifie, dans les deux mois suivant l’expiration du délai de départ volontaire qui lui avait été accordé, qu’il a quitté le territoire français dans le délai imparti, l’interdiction de retour sera abrogée de plein droit.
◦ Refus d’abrogation : toutefois, même dans ce cas, l’autorité administrative peut, par décision motivée, refuser l’abrogation si des circonstances particulières liées à la situation ou au comportement de l’étranger le justifient. Par exemple, si l’étranger a agi de manière frauduleuse ou a des antécédents qui soulèvent des préoccupations, l’abrogation automatique peut être annulée.
IV. Recours contre l’IRTF
Voici un résumé et une explication de ces recours :
1. Recours Administratif
◦ Recours gracieux ou hiérarchique : l’étranger peut d’abord tenter un recours administratif. Cela peut être un recours gracieux (demande de révision de la décision auprès de l’autorité qui l’a prise) ou un recours hiérarchique (demande adressée à une autorité supérieure). Ces recours permettent de demander une révision ou une annulation de la décision d’interdiction de retour avant d’envisager des actions judiciaires.
2. Recours Juridictionnel
◦ Recours pour excès de pouvoir : l’étranger peut également contester l’interdiction de retour devant le tribunal administratif par un recours pour excès de pouvoir. Ce recours permet de faire annuler la décision administrative en cas d’illégalité.
◦ Portée du recours : le recours devant le tribunal administratif peut viser la mesure d’éloignement dans son ensemble, y compris l’interdiction de retour, ou uniquement l’interdiction de retour.
◦ Effet suspensif : selon l’article L722-7 du CESEDA, le recours devant le tribunal administratif a un effet suspensif. Cela signifie que l’éloignement de l’étranger ne peut pas avoir lieu avant l’expiration du délai pour contester la décision, ni avant que le tribunal n’ait statué si un recours a été déposé. Cette règle s’applique aussi aux décisions concernant le pays de renvoi.
3. Conséquences d’une décision favorable
◦ Annulation de l’OQTF : si le recours aboutit à l’annulation de l’obligation de quitter le territoire, toutes les mesures associées, y compris l’interdiction de retour, sont également annulées automatiquement.
◦ Annulation spécifique de l’interdiction de retour : si seule l’interdiction de retour est annulée, cela n’affecte pas l’obligation de quitter le territoire. L’étranger devra toujours quitter le territoire français, et l’annulation de l’interdiction de retour n’entraîne pas automatiquement l’octroi d’un titre de séjour ni une nouvelle évaluation de sa demande de titre de séjour.
Les recours possibles incluent des démarches administratives et judiciaires, offrant la possibilité de contester l’interdiction ou de demander son abrogation.
Les recours peuvent suspendre l’exécution de la décision et, si le recours est fondé, peuvent entraîner l’annulation de l’interdiction ou des mesures associées.
Ainsi, bien que l’interdiction de retour puisse sembler une conséquence secondaire d’une décision d’éloignement, elle a des implications significatives pour la possibilité future de revenir en France et mérite une attention particulière de la part des concernés.